Un burin pour des quenottes

Au XVIIe siècle, de fameux arracheurs de dents sévissaient à Paris. A cette époque, le  blanchiment des dents, les courrones ou encore les plombages n’étaient pas à l’ordre du jour. Aujourd’hui, leur attirail ferait pâlir d’envie un bricoleur du dimanche. Heureusement, de nos jours, les techniques ont bien évolué. Reste qu’on ne va jamais chez le dentiste le sourire aux lèvres… Amet/sygma Monique Mojon E n 1620, sur le Pont-Neuf à Paris, les badauds observaient un homme à cheval vêtu d’une casaque fourrée et d’un grand manteau de taffetas.

Une épée pendouillait sur son côté droit et son chapeau était entouré d’un cordon fait de dents. C’était en quelque sorte le signe distinctif de sa profession, arracheur de dents. Arrivé au bout du pont, le cavalier haranguait les passants en leur disant qu’il était là pour leur arracher les dents sans aucune douleur, puis leur en mettre de nouvelles d’excellente qualité. Il assurait que plus personne ne voulait garder ses dents un tant soit peu gâtées, et le prouvait avec la complicité d’un gueux «convaincu», auquel il enlevait facilement les six dents qu’il venait de lui poser… Cette mise en scène pour attirer la clientèle marchait à tous les coups.

imagesrtEvidemment, le sang craché par le «patient» n’était rien d’autre que de la peinture rouge. Quant au maté riel du Grand Thomas, il était constitué de tenailles, de limes, de burins pour les caries, de scies et de poussoirs pour briser les dents… Si l’une d’elles lui résistait, il faisait agenouiller le patient et le secouait violemment en le soulevant trois ou quatre fois de suite. Lorsque la dent était enfin arrachée, il envoyait son client se rincer la bouche chez la mère Rogomme, qui vendait de l’eau-de-vie au bas du Pont-Neuf.

Une curieuse technique Un autre arracheur de dents du nom de Ferrus faisait sensation sur ce même pont. Il arrivait sur un char tiré par trois chevaux joliment décorés. Coiffé d’un chapeau pointu, d’un bonnet d’astrologue ou d’un casque, il présentait des chapelets de dents en farfouillant dans une boîte métallique remplie de faux louis d’or, tout en expliquant qu’il avait décidé de venir au secours de l’humanité souffrante.

Il «oubliait» de dire que la police l’utilisait comme indicateur en lui signalant les malfaiteurs recherchés.Dans ce domaine, il obtenait de bons résultats, mais d’étrange manière: pendant qu’il arrachait une dent tenace, il visitait prestement les poches de son patient. Sa technique était risquée. Un jour, averti par les services de la police qu’un voleur de bijoux restait introuvable, Ferrus flaira la bonne affaire et se mit à examiner de plus près les courageux qui lui confiaient leurs mâchoires. Un individu ressemblant au voleur vint s’installer sur la chaise de torture.

Pendant qu’il hurlait de douleur, un collier de perles rares et une rivière de diamants changèrent de propriétaire. Malheureusement, cette fois-là, l’arracheur de dents était surveillé par un policier finaud. Il assista, stupéfait, au transfert des bijoux d’une poche à l’autre. Illico, le voleur qu’on cherchait et celui qu’on ne cherchait pas furent emprisonnés. Ironie du sort, Ferrus mourut dans sa cellule d’un abcès dentaire…

La dentition de quelques personnages célèbres

Lorsqu’il mourut, à 55 ans, Saint Louis, roi de France, n’avait plus qu’une dent.

? Le corps de Charles le Téméraire fut reconnu sur le champ de bataille de Nancy parce qu’il n’avait plus de dents à la mâchoire supérieure. Charles VII n’était pas mieux loti.

? Très tôt, Henri IV eut les dents gâtées. Dès 1576, lorsqu’il n’était que roi de Navarre, un registre de ses comptes laissait apparaître une importante somme mensuelle consacrée à l’achat de cure-dents. En 1581, le même registre mentionnait «or pour plomber les dents du roi».

? Louis XI avait de très mauvaises dents. Déjà trente ans avant sa mort, 0 n’en avait presque plus à la mâchoire supérieure et celles de la mâchoire inférieure étaient toutes cariées.

? Caperon, le dentiste de Louis XV, trouva le moyen de lui casser deux dents…

Leave a comment